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Faut-il s’inquiéter de la montagne de dette publique des États-Unis ?

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La hausse de la dette souveraine américaine montre que même les superpuissances peuvent se heurter à leurs propres ambitions. Mais est-ce que cela signifie pour les investisseurs que leurs investissements américains « sûrs » sont aussi devenus beaucoup plus risqués ?

Que se passe-t-il avec la dette souveraine américaine ?

La dette souveraine américaine se rapproche progressivement de son niveau le plus élevé depuis la Seconde Guerre mondiale. Alors qu’il était logique, dans les années 1940, de s’endetter pour financer une guerre mondiale et relancer l’économie, cette pratique n’est actuellement plus justifiée. Il n’y a pas de crise mondiale de la même ampleur, pas de programme de relance à grande échelle et pas de mobilisation militaire très coûteuse. Néanmoins, le compteur de la dette continue de tourner.

À l’heure actuelle, le gouvernement américain emprunte plus d’argent que la production économique annuelle totale du pays (plus de 120 % du PIB). En chiffres absolus, la dette fédérale s’élève à plus de 36 200 milliards de dollars (situation en juillet 2025), soit une augmentation de 1 500 milliards de dollars en un an. Les États-Unis doivent payer des intérêts sur toutes ces dettes. Ceux-ci ont atteint l’année dernière 1 130 milliards de dollars. À titre de comparaison, c’est plus que l’intégralité du budget pour la défense. Les charges d’intérêts risquent de continuer à augmenter. Fin mai 2025, le gouvernement américain avait déjà payé 776 milliards de dollars d’intérêts.

Comment se fait-il que la dette souveraine américaine ne cesse d’augmenter ?

1. Depuis plusieurs années, les pouvoirs publics dépensent beaucoup plus qu’ils ne perçoivent d’impôts

Les gouvernements républicains et démocrates y ont contribué. Cette situation provient notamment des réductions massives d’impôts (qui font baisser les revenus), des dépenses importantes pour la défense, de la crise financière de 2008 (qui a nécessité des mesures de relance), de la pandémie de coronavirus (par le biais de plans d’aide de grande ampleur) et d’autres programmes de soutien divers. Mais même pendant les années où il n’y avait pas de crise, les pouvoirs publics dépensaient plus qu’ils ne recevaient. Le nouveau programme de réductions d’impôts et de dépenses supplémentaires (la big, beautiful bill de Trump) devrait faire grimper la dette publique de plus de 3 000 milliards de dollars supplémentaires dans les prochaines années, selon le Congressional Budget Office (Bureau du budget du Congrès).

2. Taux d’intérêt plus élevés

En 2022, la banque centrale américaine a fermé le robinet monétaire et relevé rapidement son taux directeur dans le but de juguler l’inflation. Résultat : les taux à long terme des obligations d’État ont augmenté. Le taux américain à 10 ans est ainsi passé d’à peine 0,6 % mi-2020 à plus de 4,5 %, voire 5 % fin 2023. Ces hausses de taux ont deux conséquences. Tout d’abord, les charges d’intérêts s’envolent pour les pouvoirs publics eux-mêmes. En effet, l’argent destiné au paiement des intérêts ne peut pas être alloué à d’autres budgets tels que l’enseignement, les soins de santé ou l’infrastructure. Ensuite, en raison de la hausse de la dette, les investisseurs exigent une rémunération de plus en plus élevée pour acheter de nouvelles obligations américaines. Un cercle vicieux risque ainsi de se créer : déficits plus élevés → plus d’émissions obligataires → taux plus élevés → charges d’intérêt et déficits encore plus élevés, etc.

3. Besoin de refinancement

Le gouvernement américain emprunte notamment de l’argent pour payer les intérêts. C’est comme si on contractait un nouveau crédit pour rembourser l’ancien. Dans les années à venir, les États-Unis devront également renouveler les énormes quantités de dettes existantes. Rien de plus logique (les pouvoirs publics empruntent généralement à des échéances plus courtes) mais alors qu’auparavant le gouvernement pouvait le faire entre 1 et 2 %, Washington doit maintenant se refinancer à un taux de 4 à 5 %. Les investisseurs voient ainsi que la montagne d’endettement devient de moins en moins soutenable, et à un rythme plus rapide qu’auparavant, car chaque année, une part plus importante du budget est allouée aux intérêts. Pour ne rien arranger, en plus des dettes existantes, les nouveaux déficits doivent également être refinancés par l’émission d’obligations.

4. Dégradations de la notation

Après une première dégradation de la note de crédit américaine par Standard & Poor’s en 2011, la situation n’a presque pas changé lors des dix dernières années. Mais en août 2023, Fitch a également retiré la note AAA au pays de l’Oncle Sam. Et récemment, Moody’s (la dernière des trois grandes agences de notation) a aussi abaissé la prestigieuse notation AAA des États-Unis. Les États-Unis ont donc perdu leur note maximale. Moody’s a expliqué qu’il n’y avait pas de plan crédible pour stabiliser, voire réduire, le niveau d’endettement. Bien que cette nouvelle ne soit pas une réelle surprise, elle a rappelé une nouvelle fois aux investisseurs le risque d’investir dans la dette américaine. En cas de dégradation de la note, les investisseurs obligataires exigent généralement une prime de risque plus élevée, ce qui fait encore grimper les taux d’intérêt.

5. L’évolution démographique accélère les dépenses

Le vieillissement de la population représente l’un des facteurs qui compliquent encore plus le problème. Alors que les baby-boomers partent à la pension, les dépenses sociales augmentent. Le Congressional Budget Office prévoit que ce changement démographique continuera de faire grimper les dépenses au cours des années à venir pour atteindre 26,6 % du PIB d’ici 2055, contre 23,3 % aujourd’hui. Le vieillissement de la population entraîne non seulement une augmentation des dépenses, mais aussi une diminution de la population active par rapport aux pensionnés. Autrement dit, il y a moins de contribuables pour supporter les coûts croissants, ce qui est susceptible de dégrader la dynamique de la dette.

Comment réagissent les marchés ?

Ces préoccupations sont-elles déjà visibles sur les marchés financiers ? Oui, dans une certaine mesure. Le prix des bons du Trésor américain (Treasuries) a baissé ces derniers temps et les rendements ont augmenté. Les investisseurs exigent donc une rémunération plus élevée pour prêter de l’argent au gouvernement américain, compte tenu de la hausse de la dette et des taux d’intérêt. En d’autres termes, le marché obligataire commence à calculer une prime de risque supplémentaire pour les obligations d’État américaines. Un autre défi de taille est l’affaiblissement du dollar au cours des derniers mois. Après que le président Trump a annoncé des barrières tarifaires élevées à l’importation à l’occasion du « Liberation Day » (jour de la libération), il s’est produit un événement auquel les économistes ne s’attendaient pas : le dollar s’est effondré. En période d’incertitude et de panique, le dollar s’apprécie généralement, car les investisseurs se tournent vers les États-Unis pour se couvrir. Cette fois-ci, les investisseurs ont justement décidé de fuir les États-Unis.

La banque centrale américaine est également soumise à des pressions politiques continues (surtout du côté républicain), ce qui semble remettre en question son indépendance. Cet élément suscite également la méfiance : les investisseurs craignent que des baisses de taux soient adoptées trop tôt, avec pour conséquence un affaiblissement du dollar et des bons du Trésor. Il est intéressant de noter que le Congrès a déjà relevé le plafond de la dette 78 fois depuis 1960, et les confrontations liées à cette décision deviennent de plus en plus houleuses et risquées. Ceci n’est pas non plus de nature à apaiser les inquiétudes des investisseurs.

Sur le long terme, une dette publique en constante augmentation pourrait mettre en péril le secteur privé. Ce phénomène, le crowding out (effet d’éviction), signifie que les pouvoirs publics absorbent tellement de capital qu’il reste moins d’argent à investir et à dépenser pour les entreprises et les consommateurs. Pour combler le tout, des pouvoirs publics qui captent une grande partie de l’argent disponible font grimper les taux d’intérêt pour tout le monde. Les obligations d’État américaines sont traditionnellement considérées comme sans risque, raison pour laquelle elles sont privilégiées par de nombreux investisseurs.

Quelles sont les conséquences pour vos investissements ?

La hausse de la dette souveraine américaine et les inquiétudes qui y sont associées en matière de soutenabilité peuvent se répercuter de différentes manières sur votre portefeuille.

  • Si le gouvernement américain accumule d’importants déficits au fil des années, les investisseurs obligataires exigent une rémunération plus élevée pour l’augmentation du risque. Cette situation se traduit par une hausse des taux d’intérêt sur les titres de créance américains. Les obligations nouvellement émises rapportent plus, mais les obligations existantes perdent de la valeur.
  • Les obligations d’entreprise américaines sont également sous pression. Lorsque les taux dits sans risque (comme ceux des bons du Trésor) augmentent, les obligations d’entreprises doivent offrir des coupons encore plus élevés pour rester attrayantes. Les entreprises avec un bilan plus faible ou qui sont très endettées voient leurs spreads de crédit grimper et leurs coûts de financement exploser.
  • À présent que les États-Unis font l’objet d’une plus grande méfiance, les investisseurs se tournent davantage vers les obligations d’autres pays. Les Bunds allemands affichent par exemple un regain d’intérêt marqué en tant que valeur refuge. Pendant la vague de ventes d’avril 2025 (lorsque les bons du Trésor américain ont baissé), le marché du Bund a fait preuve d’une résilience remarquable. Cette constatation signifie que certains investisseurs internationaux déplacent leur capital des États-Unis vers l’Europe. D’autres pays dont la devise et la réputation sont stables se présentent également comme des alternatives aux obligations américaines.
  • Les marchés des actions sont également affectés par ces évolutions. Des rendements obligataires plus élevés rendent les obligations relativement plus attrayantes par rapport aux actions risquées. Certains investisseurs vont donc privilégier les obligations au détriment des actions.
  • Les analystes s’attendent à ce que le dollar poursuive sa chute si la problématique de la dette persiste. Pour les investisseurs en euros, un dollar plus faible représente un risque supplémentaire. Ainsi, le rendement des investissements américains peut s’évaporer ou se transformer en perte une fois converti en euros, si le dollar (poursuit sa) baisse. Par exemple, le S&P 500 a progressé de plus de 5 % cette année (situation au 1er juillet 2025), mais le dollar a chuté de plus de 11 % par rapport à l’euro au cours de cette même période. Ceux qui ont donc investi en euros dans un tracker sur le S&P 500 début 2025 sont actuellement dans le rouge, alors que l’indice lui-même est dans le vert.
  • Ces derniers mois, le gouvernement américain a instauré de nouveaux droits de douane à l’importation, créant ainsi une tendance de sell America (vendez les États-Unis). Dans ce contexte, nous avons également vu les prix de l’or augmenter, signe que les investisseurs cherchaient des valeurs refuges alternatives autres que le dollar.

Comment se positionner ?

La diversification est le maître-mot. Assurez-vous que vos investissements sont répartis sur différentes régions (pas uniquement aux États-Unis) et sur différentes classes d’actifs. Une exposition trop importante à un pays ou à une devise peut entraîner des risques non négligeables. Envisagez de conserver en portefeuille des instruments européens ou d’autres instruments internationaux en plus des instruments américains. Les indices mondiaux sont aujourd’hui fortement surpondérés en actions américaines. Il peut s’avérer judicieux d’être un peu plus sélectif et de répartir son capital dans d’autres régions ou secteurs où les valorisations sont plus favorables, sans toutefois tourner complètement le dos aux États-Unis.

Pour les obligations, vous devez dès lors gérer activement les risques de taux. Les obligations à court terme souffrent moins des fluctuations des taux d’intérêt et offrent à l’heure actuelle un rendement attrayant. Les échéances plus longues ne sont attrayantes que si vous pensez que les taux d’intérêt sont proches d’un pic et qu’ils baisseront à terme.

Dernier conseil : la panique est une très mauvaise conseillère. Pour l’investisseur à long terme, il est important de ne pas perdre son sang-froid à chaque signal d’alarme, mais de garder une vue d’ensemble. À terme, une approche sobre et diversifiée est généralement gagnante par rapport aux décisions impulsives.

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Avant d’investir, consultez les caractéristiques et risques principaux des instruments financiers.

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