Pourquoi les actions continuent-elles à grimper ? Personne ne le sait
Keytrade Bank
keytradebank.be
04 septembre 2025
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Dans un monde où des milliers d’analystes changent chaque jour d’avis sur la bourse, il n’y a qu’une chose à retenir : à court terme, nul ne sait vraiment ce qui va se passer.
« Ce matin, le marché a augmenté pour des raisons que personne ne comprend et que personne n’avait prévues. »
Telle est l’accroche d’un article brillant (mais fictif), prétendument du Wall Street Journal, publié en 1998 par le magazine satirique The Weekly Standard. « Les analystes de CNBC sont convaincus qu’il y a un lien avec la politique monétaire sénégalaise, mais d’autres soulignent les nouveaux chiffres décevants du secteur péruvien de la pêche au thon. »
En 2025, l’on pourrait en dire autant des performances boursières : rares sont ceux qui avaient anticipé le rallye des marchés, et ils sont encore moins nombreux à pouvoir y donner une explication cohérente.
Pourquoi ? Parce que
La leçon de ce « commentaire boursier le plus honnête jamais publié » de 1998 est claire : quoi qu’en disent les analystes et les commentateurs, les raisons derrière les hausses et les baisses des actions à court terme sont souvent hermétiques.
Bien sûr, chaque jour boursier n’est pas un mystère pour autant. Un avertissement sur les résultats d’une grande entreprise, une nouvelle conflagration géopolitique ou un excellent rapport économique peuvent faire s’envoler ou plonger le marché.
Mais même en pareil cas, les chiffres peuvent surprendre. La bourse tout entière ou une action donnée peut ouvrir dans le rouge le matin après de mauvaises nouvelles, pour tourner casaque à midi et clôturer la journée sur un bénéfice. De telles évolutions peuvent notamment être liées aux attentes : par exemple, une entreprise peut publier de mauvais résultats trimestriels, ce qui entraînera une baisse immédiate. Mais une heure plus tard, lors de la conférence téléphonique, la direction se montrera optimiste par rapport aux prochains trimestres, ce qui pourra provoquer un renversement important intraday et donner lieu à des fluctuations spectaculaires des cours.
Le chien et la bourse
Parfois, les choses deviennent très étranges. En 2007 et 2008, on a observé quelques rebonds remarquables de plus de 10 % qui ont tous duré quelques mois, alors même que le marché immobilier américain était indéniablement en train de s’effondrer. Les fondamentaux économiques se détérioraient, mais la bourse affichait de nets progrès…
Le légendaire expert boursier André Kostolany a un jour donné la métaphore suivante : l’économie, c’est comme quelqu’un qui se promène avec son chien. Le chien représente la bourse, qui parfois traîne derrière son maître et parfois le devance. En fin de compte, ils parcourent le même chemin, mais la trajectoire peut sembler chaotique.
L’année du retour inattendu
L’année 2025 semble s’illustrer par son imprévisibilité. Les actions ont démarré 2025 sous des auspices favorables grâce au Trump trade : les investisseurs anticipaient une politique américaine propice à la croissance des entreprises. Et puis, une semaine après le Liberation Day (l’annonce de nouveaux droits de douane aux États-Unis), le marché s’est effondré. Mais depuis, la bourse a repris son essor : le S&P 500 cote près de 10 % au-dessus de son niveau du début de l’année, et même à plus de 29 % au-dessus de son plancher d’avril (source : Bloomberg – situation au 6 août 2025). Il s’agit d’un des mouvements de reprise les plus rapides jamais observés.
Aujourd’hui, la hausse ininterrompue des marchés semble déconcerter tout le monde. Le stratège de Goldman Sachs David Kostin n’est pas le seul à avoir dû radicalement modifier ses prévisions, mais son histoire illustre bien que la bourse résiste aux prédictions à court terme. Début 2025, Kostin avait fixé son objectif de cours pour le S&P 500 à 6 500 points avant la fin de l’année. Quand la bourse a périclité au premier trimestre, il a modéré cet objectif à 6 200. Fin mars, face aux craintes d’une récession imminente, il a même revu son pronostic à 5 700. Mais ensuite, Kostin a dû manger son chapeau à deux reprises : en relevant ses objectifs à 6 100 points, puis même à 6 600 points en juillet.
Court terme et long terme
Personne n’attend d’une météorologue qu’elle sache d’ores et déjà le temps qu’il fera dans trois mois. Pourtant, sur la bourse, il est considéré comme tout à fait normal que les analystes fassent des prévisions pour les prochains trimestres et que les investisseurs s’y intéressent grandement. Dans la pratique, les experts s’aventurent systématiquement à prédire les mois à venir – et s’y cassent régulièrement les dents.
Une étude de CXO Advisory Group a examiné plus de 6 500 prévisions à propos du S&P 500 formulées par près de 70 analystes boursiers. Verdict ? Elles se sont avérées dans moins de la moitié des cas (47 %).
Sur un horizon si bref, il y a tout simplement trop de bruit et d’émotion pour que les prédictions puissent être fiables. Sur de longues périodes, les fondamentaux (résultats des entreprises, croissance économique, productivité, etc.) dirigent le marché ; mais à court terme, la situation est chaotique.
C’est ce qu’a illustré Benjamin Graham dans sa parabole Mr Market, popularisée par Warren Buffett et Charlie Munger. À court terme, dit-il, la bourse est une machine à voter : les émotions, les manies et l’humeur du jour dictent son évolution. Mais à long terme, la bourse est une machine à peser : en fin de compte, ce sont les résultats des entreprises, la productivité et la croissance économique qui déterminent la véritable valeur d’une action. Et c’est justement pour cela que la croissance récompense généralement les investisseurs persévérants.
À retenir pour les investisseurs
La prochaine fois que vous entendrez un commentateur confiant expliquer pourquoi le marché a fait ceci ou cela, n’oubliez pas que parfois, il n’y a tout simplement pas de raison claire. Il est donc futile de vouloir prédire chaque mouvement à court terme ou réagir à chaque nouvelle. À la place, il vaut souvent mieux pour les investisseurs de s’en tenir à quelques principes éprouvés :
- Restez investi(e) – n’essayez pas d’entrer en bourse et d’en sortir avec une précision millimétrée pour optimiser vos gains. Avec une telle stratégie du tourniquet, vous risquez au contraire de passer à côté des meilleurs moments de la reprise.
- Diversifiez – répartissez vos investissements entre différents secteurs et régions, afin que votre portefeuille puisse résister aux chocs lorsqu’un segment décroche.
- Concentrez-vous sur le long terme – investir, c’est un marathon, pas un sprint. Avec de la patience et suffisamment de temps, les fluctuations intermédiaires sont généralement récompensées par une croissance durable.
Avant d’investir, consultez les caractéristiques et risques principaux des instruments financiers.