Pigs get fed, hogs get slaughtered

Quel investisseur ne rêve pas de réaliser des bénéfices fabuleux ? Mais la cupidité n’est pas sans danger. C’est exactement le message de l’adage « Pigs get fed, hogs get slaughtered » (Les cochons vont à la mangeoire, les porcs à l’abattoir). Ceux qui se contentent d’un beau bénéfice vont plus loin que ceux qui en veulent plus… et plus… et toujours plus.

Explication

Dans cette métaphore, les « cochons » sont ceux qui restent calmes, mangent tranquillement et grossissent au fil du temps. De leur côté, les « porcs » sont impulsifs, gourmands et avides, ce qui les pousse à prendre des risques et peut les mener droit à l’abattoir.

En termes boursiers, cela signifie que les investisseurs qui misent sur une croissance progressive et sortent à temps empochent de beaux bénéfices. Mais ceux qui deviennent trop cupides, prennent des décisions radicales et visent à gagner toujours plus sans tenir compte des risques finissent par en payer le prix (fort).

Qui l’a dit en premier ?

L’origine exacte de cette métaphore n’est pas tout à fait claire, mais Wall Street la connaît depuis des décennies. Entre autres, l’ancien gestionnaire de hedge funds Jim Cramer utilise régulièrement la variante « Pigs get slaughtered » pour mettre en garde les investisseurs trop téméraires.

Est-ce que cela fonctionne vraiment de cette manière en bourse ?

Tout à fait, parce qu’il est humain de se mettre à douter. Vous commencez à investir selon un plan strict, quand tout à coup, les choses se passent tellement bien que vous jetez votre approche progressive par-dessus les moulins et décidez d’augmenter fortement votre mise. Sinon, craignez-vous, vous passerez à côté d’un énorme bénéfice potentiel… Jusqu’à ce que le cours de l’action plonge et que vous restiez avec des pertes importantes sur les bras.

Wirecard : dure est la chute

Le gestionnaire de paiements Wirecard, une étoile montante du secteur technologique allemand, a rejoint l’indice DAX en 2018. Les investisseurs se sont précipités dessus en masse. Nombre d’entre eux se sont laissés éblouir par la dynamique de croissance de l’entreprise, malgré des rumeurs sur de graves irrégularités comptables.

Ceux qui ont réalisé leurs gains au moment du pic (autour de 190 euros en septembre 2018) s’en sont tirés avec les honneurs. Mais ceux qui ont ignoré les signes et sont restés investis dans l’espoir d’en avoir toujours plus ont dû s’en mordre les doigts, car le cours est entré en chute libre et l’entreprise a fait faillite en juin 2020.

Est-ce que cela vaut la peine d’essayer ?

Jouer la sécurité ou partir à l’aventure en bourse ? Définir une limite claire ou apprendre à investir à l’instinct ? À vous de choisir votre camp.

L’appel de Nokia

Au début des années 2000, l’entreprise de télécommunications Nokia était l’un des joyaux de la couronne du secteur technologique européen. Ceux qui ont investi dans l’entreprise finlandaise dès les premiers jours ont été récompensés par de beaux rendements, surtout autour du nouveau millénaire.

Au moment où l’entreprise semblait renouer avec ses sommets – vers 2007 –, de nombreux investisseurs semblaient convaincus que sa domination durerait encore des années. Mais c’était sans compter sur les smartphones d’Apple et de ses concurrents. Ceux qui ont continué à acheter des parts de Nokia ou qui se sont accrochés à leurs participations ont été pris dans l’effondrement du cours. Quelques années plus tard, en 2012, Nokia avait perdu la majeure partie de sa valeur et le titre avait disparu de nombreux portefeuilles.

La sagesse de l’expert : « Tout investisseur fait des erreurs, mais seuls ceux qui en tirent les bonnes leçons s’en sortent mieux »

Comptable-fiscaliste de formation, Cédric Boitte a débuté sa carrière professionnelle comme auditeur, avant de se tourner vers le journalisme. Il a depuis fait ses preuves comme journaliste financier pour entre autres Trends-Tendances, Le Soir et L’Echo.

« Dès qu’un investisseur commence à avoir du succès, la tentation de prendre plus de risques augmente. C’est exactement là que cet adage prend tout son sens. On mise sur les actions en vogue, on utilise des produits à effet de levier… et un simple tweet, une brusque accélération de l’inflation ou une décision politique inattendue peut tout faire basculer. »

« Il faut aussi se méfier de l’envie de prendre ses bénéfices trop tôt. Il y a une vingtaine d’années, j’ai vendu mes actions Lotus Bakeries autour de 130 euros, uniquement car j’avais un bénéfice d’environ 40 %. Il n’y a pas si longtemps (NDLR : septembre 2024), elles valaient… 12 000 euros ! La leçon ? Ne vendez pas simplement parce que ça a monté. »

« Quoi que vous fassiez : les erreurs font partie du chemin, surtout lorsque vous débutez en actions. L’important, c’est de rester discipliné. Concentrez-vous sur les fondamentaux, appuyez-vous sur des sources d’information fiables et n’investissez pas plus en valeurs individuelles que ce que vous êtes prêt à perdre. »

Nestlé, la valeur sûre suisse des investisseurs

Le géant suisse de l’alimentation Nestlé est un exemple classique d’une action qui a fait ses preuves à long terme. Ceux qui ont investi dans Nestlé au début des années 90 et n’ont pas touché leurs parts ont vu la courbe grimper quasiment en continu. Malgré les corrections boursières, l’action est restée une valeur sûre dans de nombreux portefeuilles à long terme. Aujourd’hui, les investisseurs qui ont cru en ce projet de croissance ont accumulé des rendements solides. Sans envolées spectaculaires, mais progressivement au fil des années.

À quoi devez-vous absolument prêter attention en tant qu’investisseur débutant ?

Si vous ne voulez pas tomber dans le piège des investisseurs trop gourmands, il est important d’intégrer autant de mesures de contrôle que possible dans votre processus d’investissement. Quelques astuces pratiques pour apprendre à garder le recul nécessaire :

• Décidez à l’avance d’un plancher, un point où vous vendrez sans hésiter ;
• Ne vous laissez pas emporter par la hype du moment, et encore moins par l’excitation de votre entourage ;
• Étalez vos ventes : vous ne devez pas forcément tout vendre en une fois ;
• Penchez-vous sur les mécanismes de vente automatique, tels que les ordres stop-loss ;
• Examinez votre portefeuille régulièrement (mais pas trop souvent) et adaptez-le si nécessaire.

D’un adage boursier à une leçon de vie

« Pigs get fed, hogs get slaughtered » est un plaidoyer en faveur d’une approche raisonnée et de la prise de décisions mûrement réfléchies, par contraste avec la cupidité et l’impulsivité. Ceux qui apprennent à se contenter à temps des bénéfices obtenus récoltent souvent les fruits les plus juteux. Plus facile à dire qu’à faire, surtout pour les investisseurs débutants ; mais c’est aussi ce qui pourra vous donner le plus de satisfaction à long terme.