Cut your losses and let your profits run

Un cours en baisse suscite des questionnements. Faut-il vendre tout de suite avec une légère perte, ou prendre le risque d’attendre un revirement possible ? De nombreux investisseurs choisissent la deuxième option. Et en cas de bénéfice, ils ont souvent le réflexe inverse : encaisser rapidement, avant que le cours ne retombe. Cet adage boursier de plus de deux cents ans recommande de faire exactement le contraire.

Explication

« Cut your losses and let your profits run », cela signifie simplement :

• Quand un investissement ne donne pas de bons résultats, arrêtez les frais à temps pour éviter des pertes plus importantes ;
• Quand un investissement donne de bons résultats, gardez-le plus longtemps pour en tirer le meilleur parti.

Autrement dit : la raison doit dominer l’émotion. Cette règle aide les investisseurs à garder la tête froide et à ne pas s’accrocher à leurs pertes, par obstination ou pour de faux espoirs.

Qui l’a dit en premier ?

Cet adage boursier est un classique absolu. Il est en effet attribué à l’économiste politique britannique David Ricardo (1772-1823). Ricardo s’est vite aperçu qu’en bourse, l’émotion nuit au rendement. Plus tard, sa maxime a été reprise et popularisée par des investisseurs comme Jesse Livermore, Richard Dennis et William O’Neil. Plus de deux siècles plus tard, l’idée reste étonnamment actuelle.

Est-ce que cela fonctionne vraiment de cette manière en bourse ?

La raison pour laquelle l’adage « cut your losses and let your profits run » n’a rien perdu de sa pertinence est que l’investissement est toujours – et peut-être plus que jamais – une lutte avec ses propres émotions.

Couper court à votre placement en cas de perte, c’est comme admettre que vous avez commis une erreur. Et il est toujours agréable de prendre des bénéfices, même si vous en sacrifiez peut-être une grande partie au passage. Cet adage boursier encourage les investisseurs dans une voie plus sereine : à terme, ceux qui acceptent leurs pertes à temps et osent conserver leurs actions performantes pourront réaliser de meilleurs résultats potentiels.

Melexis : lentement mais sûrement

En 2010, les investisseurs qui ont fait confiance à Melexis, un développeur belge de semi-conducteurs et de capteurs nouvellement entré en bourse, en ont été récompensés dix ans plus tard. D’un cours initial de 10 à 12 euros en 2010, l’action a grimpé à plus de 102 euros fin 2021. Malgré quelques petites baisses dans l’intervalle, ceux qui ont fait confiance à la tendance à long terme ont finalement eu raison.

Est-ce que cela vaut la peine d’essayer ?

Il est vrai que cette approche exige une certaine discipline, mais elle vaut la peine d’être envisagée. Bien que ce soit plus facile à dire qu’à faire, cet adage vous aide à investir de manière plus délibérée et rationnelle.

La sagesse de l’expert : « Celui qui peut admettre ses erreurs a une longueur d’avance »

Bruno Colmant est économiste, professeur et auteur financier avec un solide parcours dans le monde économique. Il a notamment été CEO d’Euronext Bruxelles et d’ING Group Luxembourg, et a également été chef de cabinet de l’ancien ministre des Finances.

« ‘Coupez vos pertes et laissez courir vos profits’ semble logique, mais c’est bien plus difficile qu’il n’y paraît. En théorie, les investisseurs devraient rapidement accepter leurs pertes et laisser les gains se développer. Mais en pratique, nous nous heurtons à notre propre psychologie. Beaucoup d’investisseurs conservent des actions déficitaires, non pas par bon sens, mais parce qu’il est mentalement difficile d’admettre qu’on s’est trompé. C’est ce qu’on appelle un biais cognitif. Nous préférons rester fidèles à nos erreurs que reconnaître que nous en avons commises. »

« Pour ma part, je ne pense pas que les investisseurs doivent vendre à la moindre baisse. Il n’est pertinent de le faire que lorsqu’on est quasiment certain qu’une action ne se redressera pas — ce qui est extrêmement rare. C’est pourquoi je plaide pour la sérénité et une vision à long terme. Ne pas acheter ou vendre tout en une journée, ni observer constamment des graphiques en direct sur une application, mais plutôt investir progressivement dans un portefeuille diversifié. »

« Warren Buffett a dit un jour : ‘Celui qui ne peut pas garder une action pendant deux jours, ne pourra pas la garder pendant dix ans.’ Les investisseurs mensuels ou les soi-disant investisseurs en hamac ont, à cet égard, l’état d’esprit idéal pour réussir durablement en Bourse. »

Chute de Peloton après la crise du coronavirus

Peloton Interactive, un fabricant d’appareils de fitness numériques, est entré en bourse en 2019 avec un prix de départ de 27 dollars par action. L’action a connu une croissance fulgurante en 2020, lorsque les gens se sont mis au sport à domicile en masse pendant la pandémie de coronavirus. À son sommet début 2021, l’action a atteint près de 170 dollars.Après la levée des mesures de confinement, la demande s’est tarie et le titre a plongé. Ceux qui ont réalisé leurs gains à temps en ont retiré un très beau rendement. Mais ceux qui ont attendu trop longtemps dans l’espoir d’une reprise ont encaissé une perte importante.

À quoi devez-vous absolument prêter attention en tant qu’investisseur débutant ?

Limiter les pertes, laisser les gagnants poursuivre sur leur lancée : cela semble logique. Mais en réalité, cela demande de la pratique. Les outils et tactiques suivants peuvent vous faciliter la tâche :

1. Travaillez avec des limites et des stratégies

Ayez conscience dès le départ des risques inhérents à l’investissement. Établissez à l’avance tous les plans nécessaires, auxquels vous ne devrez pas déroger. Déterminez déjà le niveau de perte auquel vous vendrez une action : par exemple, en cas de baisse de 10 %.

2. Utilisez des ordres stop loss

Envisagez de travailler avec des « (trailing) stop loss orders ». Vous donnez ainsi un ordre de vente automatique de vos actions dès qu’elles touchent un plancher prédéterminé.

Avec les « trailing stop loss orders », ce plancher augmente mécaniquement en cas d’éventuelles hausses de cours. Par exemple, supposons que vous achetiez une action à 10 euros et que vous définissiez un ordre de vente en cas de perte de 2 euros. Si l’action grimpe soudainement à 15 euros, l’ordre ne sera transmis que si l’action tombe à 13 euros.

3. Entraînez-vous à saisir les tendances

Ne laissez pas les hauts et les bas de la bourse vous déstabiliser. Pour reprendre un autre adage boursier de cet e-book : « The trend is your friend ». Surveillez toujours la tendance générale, pour continuer à prendre des décisions éclairées et fondées.

4. Tenez un journal d’investissement

Cela peut sembler étrange, mais un journal d’investissement peut vous aider à prendre les bonnes décisions rationnelles en cas de doute. Notez pourquoi vous achetez ou vendez certaines actions et ce que vous feriez éventuellement autrement la prochaine fois.

La longue croissance et la perte de vitesse brutale d’ASML

L’entreprise néerlandaise ASML fabrique des machines de pointe qui produisent des puces informatiques. Depuis 2010, son cours boursier a connu une croissance progressive, mais nette. En 2012, l’action valait à peu près 40 euros. Elle a atteint un pic (provisoire) en 2024, avant de bondir au-delà de 1 000 euros pour soudain entamer une forte baisse dans les mois qui ont suivi. Les investisseurs qui ont laissé leurs bénéfices courir assez longtemps et n’ont pas vendu trop tôt ont profité d’une hausse significative. En revanche, ceux qui ont trop longtemps fait confiance à l’action après le pic ont dû vendre à perte.

D’un adage boursier à une leçon de vie

« Cut your losses and let your profits run » peut sembler simple, mais c’est loin de l’être. En soi, cet adage boursier peut vous apporter plus de sérénité et vous conforter dans vos décisions, mais pour maximiser votre rendement, une bonne compréhension des tendances boursières et un bon timing sont essentiels. Dans le milieu de l’investissement comme partout ailleurs, c’est par la pratique qu’on atteint la maîtrise.